11 de diciembre de 2015

La nouvelle phase de la guerre en Syrie révèle les différends israéliens







ANALYSE
La nouvelle phase de la guerre en Syrie révèle les différends israéliens
Qui est la plus grande menace : l’Etat islamique ou l’axe chiite ? Yaalon semble envoyer un message différent de celui d’Eizenkot
MITCH GINSBURG 11 décembre 2015, 15:54 
JOURNALISTES

Mitch GinsburgMitch Ginsburg est le correspondant des questions militaires du Times of Israel
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Le ministre de la Défense Moshe Yaalon (à gauche) et le Major Géneral Gadi Eisenkot quand Eisenkot a appris qu'il a été nommé à la tête des forces de défense israéliennes, le 27 novembre 2014 (Crédit : Ariel Hermoni / Ministère de la Défense)
Les ministres de la Défense sont généralement jugés sur leur gestion d’une guerre : Dayan en 67 et 73, Sharon en 82, Peretz en 2006. Les champs de bataille sont l’endroit où leurs héritages se créent et perdent. Mais l’actuel chef de la Défense a laissé sa marque, jusqu’à présent, d’une autre manière – en évitant de manière astucieuse la guerre et en ne capitulant pas.
Juste à côté, une guerre intestine est menée, un tourbillon aux proportions historiques. C’est un tourbillon au coeur du Moyen-Orient, qui attire certains des plus cruels acteurs de la région. Et Israël, sans vendre son âme au diable et sans rejeter ses intérêts essentiels, a réussi à ne pas se faire happer.
Mais la propagation de la barbarie de l’Etat islamique, qui a résolument entrainé encore plus les Etats occidentaux dans le théâtre de la guerre, couplé avec l’arrivée en Syrie de l’armée de l’air russe, marque ainsi une nouvelle étape dans la guerre.
Ce n’est pas un dernier changement de la marée qui s’abat au Moyen-Orient – la bataille est encore loin d’être terminée – mais c’est une étape importante, celle dans laquelle Israël, après des années de déni, commence à montrer des divergences d’opinion au sommet de son establishment de la défense : le ministre de la Défense Moshe Yaalon plaide apparemment pour l’affaiblissement du Hezbollah et l’axe chiite, un objectif apparemment partagé par aucune des grandes puissances du monde, tandis que le haut commandant de l’armée, le lieutenant général Gadi Eizenkot considèrerait que l’EI est la plus grande menace.
« Eizenkot croit qu’une victoire de l’Etat islamique en Syrie est un scénario légèrement plus grave pour Israël qu’une victoire d’Assad », a écrit Amos Harel dans Haaretz jeudi, parce que même si Assad et le Hezbollah sont beaucoup plus puissants, ils sont également plus faciles à dissuader.
Un grand incendie qui fait rage près de Kfar Szold, causé par des missiles tirés depuis le côté syrien de la frontière israélo-syrienne dans les hauteurs du Golan dans le nord d'Israël le 20 août 2015 (Crédit : Basel Awidat / Flash90)
Un grand incendie qui fait rage près de Kfar Szold, causé par des missiles tirés depuis le côté syrien de la frontière israélo-syrienne dans les hauteurs du Golan dans le nord d’Israël le 20 août 2015 (Crédit : Basel Awidat / Flash90)
Une écoute plus attentive de l’allocution de Yaalon au Forum Saban la semaine dernière a indiqué une apréhension différente de la situation.
Pendant les cinq années de l’horrible guerre civile syrienne, Israël a pris plusieurs décisions clés – morale et opérationnelle.
La première décision morale était de soigner les Syriens blessés. Il y a ceux qui voient la décision d’Israël de soigner les combattants sunnites blessés, même ceux appartenant peut-être à la plupart des groupes extrémistes, comme un plan calculé pour soutenir la lutte contre Assad.
Il s’agit d’une lecture biaisée de cette décision. La décision de mettre les troupes israéliennes en danger et de proposer une assistance médicale a été principalement prise dans le but de préserver la neutralité d’Israël.
Car en tant que voisin, il ne pouvait rester sur la touche alors que des centaines de milliers de personnes sont tuées et que des millions d’autres ont été plongées dans une existence Hobbesienne. Maintenir son propre sentiment de dignité en proposant toute l’aide possible.
Si les cœurs et les esprits ont été légèrement changés par le secours apporté, alors c’est un bonus supplémentaire.
Brick. Gen. Itai Brun, le chef de l'unité la recherche et de l'analyse des renseignements militaires de Tsahal, à une audience de la commission des Affaires étrangères et de la Défense à la Knesset en 2012 (Crédit : Noam Moskowitz / Flash90)
Brick. Gen. Itai Brun, le chef de l’unité la recherche et de l’analyse des renseignements militaires de Tsahal, à une audience de la commission des Affaires étrangères et de la Défense à la Knesset en 2012 (Crédit : Noam Moskowitz / Flash90)
La dénonciation des assassinats de Bachar al-Assad qui a eu recours à un gaz neurotoxique est un cas un peu moins clair sur la question de l’intention.
Il est difficile de savoir quels motifs ont guidé le Brigadier Général Itai Brun en avril 2013 quand il a révélé ce que plusieurs agences de renseignement devait déjà savoir : Assad avait utilisé du gaz sarin sur son propre peuple ; que la ligne rouge tracée par le président des États-Unis avait été effrontément franchie. Mais il semble raisonnable de suggérer qu’Israël aurait exposé ce genre d’assassinat indépendamment de l’identité du tueur.
Sur le plan opérationnel, Israël a établi deux lignes rouges indépendamment de l’auteur – empêcher les frappes sur le Golan et empêcher la prolifération des armes chimiques. Et l’une de ses lignes vise spécifiquement le Hezbollah : empâcher la milice terroriste semi-étatique chiite d’acquérir des armes qui allait changer sa nature en tant que force de combat.
Cette politique réaliste – une antithèse radicale à la pensée qui a prévalu avant la première guerre du Liban – affirme qu’Israël ne nuira pas à l’effort de guerre du Hezbollah en Syrie mais interdit à l’organisation de récolter les avantages de son engagement aux guerres subséquentes contre Israël.
La pierre angulaire du succès de cette campagne a été la clarté. Il y a un fil beaucoup plus négligé dans le tissu de la dissuasion d’un État. Le simple fait que vous êtes clair sur ce qui va déclencher l’action et que vous êtes équipé et en mesure de faire suivre vos menaces par des actions, manifestement, au fil du temps, signifie que vos ennemis ne sont pas surpris et choqués par une réaction irréflechie. En cela, Yaalon a été magistral.
Israël aurait lancé des frappes aériennes – des actes de guerre – en Syrie et au Liban, visant les armes et les membres liés au Hezbollah. Il a abattu un avion de guerre syrien. Il n’a pas cligné des yeux quand l’Iran et le Hezbollah ont commencé à établir un front sur le plateau du Golan, tuant un général iranien, accompagné par des membres du Hezbollah, à quelques kilomètres à l’est de la frontière. Et pourtant, l’incendie ne s’est pas étendu à travers la frontière.
Le Hezbollah, Bachar al-Assad et les Gardiens de la Révolution iraniens, et, maintenant, la force aérienne russe, ont tous accepté cette posture militaire incroyablement inhabituelle – contre la force que la Russie est venue en Méditerranée pour défendre – comme quelque chose qui était à prévoir, naturel, et comme faisant partie des règles du jeu.
Mais tandis que la guerre entre au début de sa sixième année, Israël commence à montrer ses intérêts.
Officiellement, sur toutes les questions relatives à la Syrie, Israël, la puissance militaire de la région, est le seul pays neutre dans le Moyen-Orient. Il n’a pas de préférence quant au vainqueur.
Parlant des extrémistes sunnites et chiites, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a déclaré en 2014, et encore récemment, qu’Israël « n’a pas à renforcer l’un ou affaiblir l’autre. Ma politique est : affaiblir les deux à la fois ».
Les remarques très franches de Yaalon au Forum Saban à Washington la semaine dernière, ont indiqué un changement. Il a refusé d’indiquer le résultat souhaité par Israël dans la guerre d’à côté – lançant une phrase sur les propres « opinions » d’Israël – mais a été très clair quand il a dit que « nous croyons, qu’à la fin, Daesh [acronyme de l’Etat islamique] va être vaincu. L’Iran est très différent. C’est en fait une puissance super originale ».
L’axe chiite, a ajouté Yaalon, a un guide très clair. Le commandant de la Force al-Qods, Qassem Soleimani, et le Hezbollah sous l’égide de l’Iran et de concert avec Assad et la Russie, ont assemblé un effort de guerre cohérent. Le camp sunnite, à l’exclusion des éléments salafistes comme l’EI, « devrait être orchestré et mené dans le but de le rendre [opérable] d’une meilleure façon ».
Un cynique pourrait voir cela comme une tentative d’Israël de perpétuer la guerre. Il semble beaucoup plus probable que ce soit une expression de la ligne de fond préférée par Yaalon – une victoire sunnite, avec ou sans l’EI, – et de préférence sans.
L’ancien conseiller à la sécurité nationale de Netanyahu, Yaakov Amidror, un chercheur au BESA Center de l’université Bar-Ilan, a déclaré dans un entretien téléphonique qu’Israël a un intérêt évident : « l’Iran est en train d’amasser de la force, il a des réseaux terroristes dans le monde entier et le Hezbollah a 100 000 roquettes ». L’arsenal du Hezbollah a été revu à la hausse récemment.
« En ce moment », a ajouté Amidror, « la menace chiite est beaucoup plus grande ».





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