10 de agosto de 2016
La « piraterie juive » n’est pas une insulte antisémite !
La « piraterie juive » n’est pas une
insulte antisémite !
Il s’agit bel et bien d’une page de notre très
vaste Histoire…
Quand
on parle de « pirates des Caraïbes », ce n’est vraiment pas la
première chose qui nous vient à l’esprit. Pourtant, de célèbres personnalités juives ont
marqué l’histoire de la piraterie.
C’est Flavius
Josèphe qui fera mention de « pirates juifs » le premier dans les
« Antiquités judaïques », un récit de vingt livres dont la première
série des dix constitue des ouvrages bibliques, mais dont la seconde constitue
un document historique essentiel concernant les périodes grecques et romaines
en Palestine.
À
la mort de la reine Salomé en 67 av. Jésus Christ, les héritiers Hyrcan II et
Aristobule II se disputent le trône de Judée et finissent par en débattre avec
l’empereur Pompei.
D’après
Flavius, Hyrcan accuse durant ce débat Aristobule d’avoir organisé une
« piraterie en mer ». Puis, vers la fin de la première guerre
Judéo-Romaine, les juifs reconstruisent Jaffa et par ce port débute une
importante force pirate visant à rendre innavigable les mers de Syrie, de
Phénicie et d’Egypte.
L’Empire Romain mit un terme à cette rébellion et
considéra cette victoire comme étant très importante. Bien entendu, l’ensemble
des récits de Flavius Josèphe ne sont pas fiables à 100 %, il faut donc
observer ces évènements avec une certaine retenue historique.
La
piraterie juive prend un nouvel essor au 15e siècle, en Europe cette fois, lors
de l’Inquisition. L’essentiel des données concernant la piraterie juive de
cette époque nous provient du livre « Les pirates juifs des
Caraïbes » écrit par Edward Kritzler après de nombreuses années de
recherche sur le sujet.
Un drapeau pirate avec une étoile de David (Crédit : autorisation)
Le point de départ étant la Jamaïque où Kritzler
sera très surpris par la présence de tombes juives marquées de fémurs
entrechoqués, symbole célèbre de la piraterie. Pour comprendre l’importance de la Jamaïque pour le peuple juif, il faut retourner en Espagne
en l’an 1492.
«
Ainsi, après avoir expulsé les juifs de vos terres, Vos Majestés m’ordonnèrent,
le même mois de janvier, de m’embarquer avec les armes nécessaires pour les
dites régions des Indes. »
Christophe Colomb écrit ces lignes sur la première page de son carnet de
bord.
Il
fait référence au décret de l’Alhambra, l’édit d’expulsion des juifs espagnols
qui entraina par la suite l’expulsion des juifs portugais. La découverte de
l’Amérique est ainsi étroitement liée à l’histoire du peuple juif puisque bon
nombre des marins embarqués avec Colomb furent des marranes, juifs convertis de
force par le royaume d’Espagne, et trouvèrent en cette Jamaïque (placée sous la
juridiction de la famille Colomb) un lieu où ils purent vivre paisiblement à
nouveau.
Avec
le temps, l’influence de la famille Colomb se désagrégea et il faudra attendre
l’Empire Britannique pour que la Jamaïque devienne véritablement un refuge pour
la communauté juive.
Le
sol de la synagogue « Shaare Shalom » en Jamaïque est d’ailleurs
recouvert de sable blanc en l’honneur de ces marranes qui devaient recouvrir
leurs pas lorsqu’ils allaient prier en secret durant l’Inquisition.
Mais
de nombreux juifs ne se sont pas contentés de survivre et se tournèrent vers la
piraterie dans un désir de vengeance. Pour en apprendre plus sur ce courant, le
mieux est encore de se pencher sur l’histoire des pirates juifs les plus
célèbres.
URL DEL VIDEO: https://youtu.be/089nVyM_ues
Un
de ces fameux corsaires fût Moshé Cohen Henriques, pirate juif hollandais mais
surtout officier naval de l’amiral Piet Pieterszoon Hein de la Compagnie
néerlandaise des Indes occidentales. L’amiral Piet voulait également se venger
des Espagnols qui l’avaient capturé et réduit en esclavage durant 4 ans.
Les
deux compères réussirent ensemble à mener une des opérations les plus rentables
de l’histoire de la piraterie en dérobant à une flotte espagnole l’équivalent
d’un million de dollars en or, argent et autres objets de valeurs.
Moshé
Cohen Henriques, avec sa part du butin, fonda avec ses marins (juifs) sa propre
Île de pirate sur la côte brésilienne. Lorsque le Portugal reprit possession de
cette Île, Moshé fuit l’Amérique latine et devint conseiller pour Henry Morgan,
le célèbre pirate.
Un
autre Juif devint célèbre en menant avec brio sa revanche sur l’Espagne, il
s’agit de Sinan Reis dit « Le Grand Juif ».
Après avoir fui l’Inquisition, Sinan trouve refuge
dans l’Empire Ottoman et rejoint la flotte du grand amiral Khizir Khayr ad-Dîn
dit « Barberousse ». Ils
réussirent à vaincre la Sainte Ligue de Charles V durant la Bataille de
Preveza. Les idées de Sinan furent en bonne partie responsables de la victoire.
Il fût surnommé « Le Grand Juif » par un gouverneur de l’Inde
Portugaise.
David
Abrabanel, ou « Capitaine Davis » comme il se faisait appeler,
navigua parmi les flottes anglaises et possédait son propre navire qu’il nomma
« Le Jerusalem ».
À
la même époque, d’autres capitaines qui ne cachaient pas leur judaïsme nomment
leur navire « Reine Esther », « Le Prophète Samuel » ou
encore « Le Bouclier d’Abraham ».
Samuel
Pallache, aussi surnommé le « Pirate Rabbin » n’avait pas de navire
mais il mena également des sabordages contre des navires espagnols et
portugais. D’abord élevé dans l’enseignement rabbinique, Pallache choisit
finalement la voie de Sinan Reis et prit sa revanche sur l’empire Espagnol pour
le compte de la Hollande et du Maroc.
Il
réussit d’ailleurs, en sa qualité de diplomate, à faire signer à ces deux pays
le premier traité historique entre un pays européen et une nation
non-catholique. On dit que sous ses ordres, les navires étaient casher et donnaient une
partie de leur butin aux œuvres de charité.
Que ce soit pour prospérer, survivre, se venger, ou
tout simplement vivre au sein d’une communauté où il n’y a pas de temps laissé
à la discrimination, les juifs ont trouvé dans la piraterie une voie étonnante
dans laquelle ils se sont épanouis.
Les marranes ont joué un
rôle décisif dans la découverte de l’Amérique (qui est aujourd’hui encore une
nation où les juifs se sentent en sécurité) mais également dans la défaite de
l’Empire Espagnol. L’image du
juif errant faible et à jamais victime des autres peuples a probablement
contribué à mettre de coté cette partie de l’héritage culturel juif, pourtant,
ces drapeaux pirates munis d’étoiles de David ne sont pas moins des symboles de
résistances juives à l’instar de l’insurrection du ghetto de Varsovie,
ou à plus forte raison, à la chute de Massada.
Vue
sur Masada (Crédit : Yossi Zamir/Flash90)
Toutes les
informations recueillis pour cet article proviennent majoritairement de
l’ouvrage d’Edward Kritzler (« Les pirates des Caraïbes », 2008), de
l’article du professeur Steven Plaut de l’Université de Haïfa (« Putting
the Oy back into « Ahoy » », 2008), et du livre de l’historien
israélien Michael Oren (« Power, faith, and fantasy : America in the Middle
East, 1776 to the present », 2007)
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