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La Catalogne veut en finir avec la mythique sieste espagnole
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- Par Blandine Le Cain
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Le gouvernement de la région espagnole a promis de proposer des mesures d'ici juillet en vue d'abandonner la journée de travail traditionnelle, longue et tardive, pour adopter des horaires allant de 9 heures à 17 heures.
Le pays endormi à l'heure de la sieste, les entreprises injoignables avant dix heures et les restaurants où il n'y a personne avant 22 heures: voilà le portrait robot de l'Espagne dans l'imaginaire européen. Mais tout ces clichés devraient bientôt changer. En Catalogne, tout du moins. Le gouvernement régional l'a promis: d'ici juillet, des mesures concrètes seront proposées afin d'adapter les horaires de travail aux habitudes du reste de l'Europe, et ainsi mettre fin aux journées longues et tardives des Espagnols. Au programme: une journée de travail moins étalée et avec moins d'interruptions, qui permet de terminer plus tôt.
Certes, les mesures légales ne sont pas encore adoptées. Mais l'annonce a son importance, après des années de débat sur le sujet et alors qu'aucune région espagnole n'a jusqu'ici osé remettre en cause le fonctionnement actuel. «Le temps des décisions est venu», a confirmé Francesc Homs, porte-parole du gouvernement catalan. Il a annoncé cette mesure mardi, lors de la présentation du Plan annuel 2014 pour la rationnalisation des horaires de travail. Ce document résulte d'une initiative citoyenne menée par le militant de longue date Fabián Mohedano, rappelle El Pais. «La question n'est plus de savoir si cette décision sera prise, mais plutôt comment», s'est réjoui le militant auprès du Guardian.
En Espagne, la journée de travail, dite «journée divisée» («jornada partida»), commence aux alentours de 9 heures. Une première pause survient généralement à 11 heures, destinée au petit-déjeuner ou à une collation. La journée se poursuite ensuite jusqu'à 14 ou 15 heures, l'heure du déjeuner. Et de la fameuse sieste, dans l'imaginaire collectif. Retour au travail une à deux heures plus tard, pour rarement terminer la journée avant 20 heures.
Améliorer sommeil, vie familiale et productivité
Un marathon en plusieurs étapes qui agace de plus en plus d'Espagnols. «Comment serait notre vie si l'Espagne adoptait des horaires sensés», se demandait ainsi au début du mois de mars El Pais. Car experts et citoyens avancent depuis plusieurs années des arguments en faveur d'une modification de ce mode de vie. Fatigue, manque de concentration et de productivité, difficulté à concilier vie professionnelle et familiale, échec scolaire... Autant de maux régulièrement imputés aux horaires de travail spécifiques à l'Espagne.
D'après les chiffres de l'OCDE, les Espagnols ont travaillé en moyenne 1686 heures en 2012, soit près de 300 heures de plus qu'en Allemagne, 275 de plus qu'au Danemark ou 200 de plus qu'en France. En revanche, sur le plan de la productivité, l'Espagne se classe treizième à 32,1 euros par heure travaillée contre 53,4 au Danemark, 45,6 pour la France. Les Britanniques, dont la moyenne annuelle d'heures travaillées est plus élevée que pour l'Espagne, sont eux aussi plus productifs avec un score de 39,2. Sans compter que les Espagnols dorment en moyenne une heure de moins que leurs voisins européens, qu'ils pratiquent moins la sieste que les Allemands ou les Britanniques et que les horaires d'école ne s'accordent pas avec ces journées.
L'accord que l'exécutif catalan entend proposer pour changer cette situation s'appuierait à la fois sur des modifications législatives et des accords avec les partenaires sociaux. La pause du déjeuner serait raccourcie et la journée condensée afin de permettre un horaire de dîner vers 20 heures. Le gouvernement catalan souhaite mettre en place ce plan dans le courant à la fin de l'année. D'autres mesures y figurent, comme l'abandon de «l'heure Franco», qui veut que l'Espagne soit calée sur le fuseau horaire allemand, en décalage avec le soleil. La majorité devra toutefois résister aux élections législatives prévues en septembre pour mener à bien le projet.
Difficile également savoir si la mesure pourrait faire des émules dans d'autres régions. Une législation nationale sur ce sujet avait été envisagée en 2013, sur proposition d'un député, sans que cela aboutisse. Et le militant Fabián Mohedano craint précisément que la volonté catalane ne soit bridée par l'absence de soutien de Madrid. «Il y a des limites aux compétences du parlement catalan», a-t-il pointé auprès du Guardian, soulignant que les frictions nationalistes entre la capitale et Barcelone n'aideront sans doute pas à la coopération. Or certaines mesures, telle que l'adaptation des programmes télévisés, déjà proposée, doivent permettre d'accompagner cette révolution culturelle. Les chaînes publiques de la RTVE se sont d'ores et déjà engagées dans ce processus en mars,, en démarrant les programmes du «prime-time» plus tôt et en les terminant vers 23 heures, après avoir reçu de nombreuses critiques autour du programme MasterChef Junior, diffusé entre 22h30 et 0h30 en semaine. La mesure n'a cependant rien d'obligatoire. Reste que pour la première fois, même si ce n'est qu'en Catalogne, des engagements politiques ont été pris pour renverser ces horaires de la discorde.
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