La démocratie israélienne n’est pas brisée, – elle est attaquée
Les minorités s'inquiètent, leurs partisans sont malmenés, les principales autorités sont sapées et nos détracteurs les plus hostiles sont renforcés
Il y aurait une explication raisonnable pour tout.
La détention et l’interrogatoire de Peter Beinart, lorsqu’il s’est rendu en Israël plus tôt cette semaine pour assister à la bat-mitzva de sa nièce, était une erreur – un cas d’officiers trop zélés du Shin Bet qui se seraient emportés. Tout comme les récents interrogatoires dans les aéroports et aux points de passage frontaliers de plusieurs autres détracteurs d’Israël, dont les défis à la politique gouvernementale s’inscrivent bien dans les paramètres de la liberté d’expression légitime.
L’arrivée avant l’aube des policiers au domicile de Haïfa du rabbin massorti Dov Haiyun, pour l’emmener au poste de police pour un interrogatoire le mois dernier, fut un autre incident regrettable mais atypique – dans lequel la police a suivi sottement les instructions d’une personne officiant au rabbinat local qui avait des problèmes avec le fait que Haiyun célébrait des mariages.
La bataille pour savoir qui dirigera la police israélienne n’a rien d’inquiétant. Même si Roni Alsheich avait fait savoir qu’il voulait rester, et même si cela ne semble pas très bon pour Benjamin Netanyahu de remplacer le chef de la police dont les agents enquêtent sur lui dans une multitude d’allégations de corruption, le Premier ministre a le droit et de nombreux précédents de ne pas prolonger le mandat d’Alsheich pour une quatrième année.La controverse sur la candidature de Yair Golan en tant que prochain chef d’état-major, qui fait face à l’opposition parce qu’il a eu la témérité de mettre en garde contre les tendances dangereuses dans la société israélienne et d’affirmer que les soldats devraient être prêts à prendre des risques pour protéger les civils palestiniens, est une question mineure qui n’est pas susceptible d’affecter le processus de nomination. Il n’allait probablement pas obtenir le poste de toutes les façons.
L’abrogation brutale, l’année dernière, de l’accord solennellement négocié entre Israël et la diaspora sur la prière mixte au mur Occidental a été une conséquence malheureuse de la realpolitik israélienne. Le Premier ministre voulait vraiment mettre en œuvre l’accord, mais il a cru qu’il ne serait plus Premier ministre s’il le faisait, dans la mesure où ses partenaires de la coalition ultra-orthodoxe le feraient tomber.
Il en va de même pour les tentatives de desserrer l’emprise de fer du rabbinat ultra-orthodoxe sur les événements liés à la vie quotidienne – son monopole sur les formalités de la vie, de la naissance, de la conversion au judaïsme, du mariage, du divorce et du décès dans ce pays. Et pour les efforts visant à résister aux pressions ultra-orthodoxes en faveur d’une application plus stricte des lois sur le respect du Shabbat. Et pour la tentative infructueuse d’enrôler ou de faire respecter le service national pour les jeunes Israéliens ultra-orthodoxes : Malheureusement, toute résistance est bloquée par l’effet de levier de la coalition des députés ultra-orthodoxes, une fonction tout à fait légitime de notre système politique.
Quant aux zigzags du Premier ministre sur l’extension des droits de la gestation pour autrui aux couples de même sexe, ici aussi, il n’avait tout simplement pas les votes dont il avait besoin.
L’arithmétique était différente pour la loi de l’État-nation. Si une phrase faisant état de l’engagement d’Israël en faveur de la pleine égalité pour tous ses citoyens n’avait pas été supprimée du texte, le soutien de la Knesset à la loi, avec sa définition tardive d’Israël en tant que « foyer national du peuple juif », aurait été écrasant. Mais l’argument a été avancé que les dispositions en faveur de l’égalité sont déjà inscrites dans la loi, mais sans le mot « égalité », et nonobstant le fait qu’il s’agit de la loi qui définit la nature même d’Israël.
Le ministre de la Justice a mis en garde contre un « tremblement de terre »si la Cour suprême osait intervenir et invalider la loi de l’État-nation. De toute évidence, ces propos étaient déplacés, mais il est peu probable que les juges, formidables et indépendants, soient dissuadés – même si la composition de la Cour suprême change progressivement à mesure que la même ministre de la Justice cherche à nommer des personnes qu’elle estime ne pas être hostiles à sa vision du monde.
Je pourrais continuer, mais vous avez compris l’idée. Prises une à la fois, des rationalisations ostensiblement acceptables peuvent être trouvées pour toutes les crises et controverses que j’ai énumérées. Prises ensemble, le tableau est sombre.
Au fur et à mesure que ces crises et controverses s’accumulent, les explications s’étirent et se multiplient, mais elles sont incapables de couvrir la crainte de ce dont nous sommes témoins, à savoir que notre démocratie est attaquée de l’intérieur.
Il y a des tentatives d’intimidation de la magistrature. Les médias sont à la fois diabolisés et compromis. La corruption financière n’est pas traitée et s’infiltre dans la politique
La démocratie israélienne n’est pas brisée. Le procureur général enquêterasur la vague de détentions à la frontière. Il est probable que la police de Haïfa n’arrêtera pas trop de rabbins non orthodoxes dans un avenir proche.
Les foules d’Israéliens continueront à manifester contre la loi de l’État-nation, contre la corruption alléguée dans les hauts lieux, contre l’inégalité économique, contre l’échec de la loi sur les droits de recours à la gestation pour autrui (GPA) pour les familles monoparentales, contre la coercition religieuse. Leurs préoccupations peuvent même être prises en compte ; on leur garantit la possibilité de changer de direction si ce n’est pas le cas.
Mais la démocratie israélienne est battue en brèche. Il y a des tentatives d’intimidation de la magistrature. Les médias sont à la fois diabolisés et compromis. La corruption financière n’est pas traitée et s’infiltre dans la politique.
En raison du monopole des ultra-orthodoxes, de l’abandon de l’accord du mur Occidental et de l’indifférence évidente du gouvernement ou, pire encore, des préoccupations des juifs religieux non orthodoxes, des millions de personnes dans le pays et à l’étranger se sentent exclues du « foyer national du peuple juif » que le gouvernement s’est donné tant de mal à décréter.
En raison de cette loi sur l’État-nation, les minorités israéliennes s’inquiètent de leur statut et de leurs droits, et elles et leurs partisans sont vilipendés pour l’avoir dit.
Les partisans d’Israël à l’étranger, qui jouent un rôle très important dans la défense du pays contre ses légions de haineux dans le monde entier, se trouvent déconcertés, sont sur la défensive, voire exclus ; il devient plus difficile de s’opposer aux accusations de discrimination lorsque la communauté druze, la minorité la plus loyale d’Israël, est concernée.
La volte-face soudaine du Premier ministre sur un accord qu’il avait dit à juste titre qu’il représentait la « meilleure solution possible » sur le sort de dizaines de milliers de migrants africains, en raison de la légère pression d’une partie de sa base électorale qui ne permettrait pas de fournir un statut résidentiel à moins de 20 000 demandeurs d’asile, a affaibli davantage son soutien et a renforcé ses détracteurs.
Les principales autorités sont sapées et affaiblies, comme en témoignent les allégations de partialité policière de Netanyahu à son encontre. Les personnes en position de pouvoir l’exercent sans tenir compte des droits et libertés essentiels. Intégrant ce qui est maintenant attendu, certains, dans des organisations comme le Shin Bet et les forces de police, ont tendance à l’excès de zèle qui se traduit par la détention du journaliste en visite et l’assignation du rabbin non orthodoxe.
Fait unique au Moyen Orient, Israël jouit de la liberté d’expression, de la liberté de religion, de la liberté de la presse, de l’égalité devant la loi, d’un pouvoir judiciaire indépendant et plus encore.
Mais en cet été israélien de 2018, le temps se rafraîchit. Il y a un danger – et il n’y a pas que Damas et Téhéran, le Hamas et le Hezbollah.
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