WASHINGTON – Des groupes juifs américains ont fustigé lundi la proposition du favori républicain pour l’élection présidentielle Donald Trump d’interdire l’immigration des musulmans aux Etats-Unis, la ligne anti-diffamation (ADL) la jugeant « profondément offensive ».
Les commentaires de Trump ont soulevé la fureur d’un large éventail de la population américaine – avec des critiques allant de son rival républicain Jeb Bush au président Barack Obama – pour sa défense d’une « fermeture totale et complète de l’entrée des musulmans aux Etats-Unis ».
Le président de l’ADL Jonathan A. Greenblatt s’est fait l’écho des commentaires d’un porte-parole de la Maison Blanche, qualifiant le projet de Trump d’ « inacceptable et à l’opposé des valeurs américaines ».
« Les Etats-Unis ont été fondés comme un lieu de refuge pour les personnes fuyant les persécutions religieuses, et le pluralisme religieux est au cœur de notre identité nationale, a-t-il dit. Un projet qui isole les musulmans et leur dénie l’entrée aux Etats-Unis sur la base de leur religion est profondément offensif et est contraire aux valeurs les plus profondes de notre nation ».
Les remarques de Trump, a suggéré Greenblatt, sont particulièrement problématiques pour certains juifs américains.
« Dans la communauté juive, nous savons tous trop bien ce qui peut arriver quand un groupe religieux particulier est distingué sur la base de stéréotypes et désigné comme bouc émissaire, a écrit Greenblatt dans un communiqué publié lundi soir. Nous savons aussi que ce pays ne doit pas tomber dans la peur en tournant le dos à ses valeurs fondamentales, même en temps de crise majeure. Comme nous l’avons dit si souvent, faire autrement signale aux terroristes qu’ils sont en train de gagner la bataille contre la démocratie et la liberté. »
EN tant qu’organisation non lucrative de catégorie 501c3, l’ADL ne peut pas prendre position en faveur ou contre un candidat à la présidence.
Le comité des juifs américains (AJC) – lui aussi une organisation non partisane, de son propre aveu – a également condamné « dans les termes les plus forts » ce qu’il a appelé la « dernière proposition offensante et incendiaire du candidat républicain à la présidentielle Donald Trump ».
En tant qu’Américains, qui viennent de fêter le souvenir des pèlerins qui ont fui des persécutions religieuses en Europe pour trouver un nouveau foyer sur ces rivages, nous trouvons la proposition de M. Trump répugnante et fausse », a dit le directeur exécutif associé pour la politique de l’AJC, Jason Isaacson.
Il a déclaré que le « racisme inné intrinsèque de la dernière proposition du candidat » était perturbant pour les juifs.
« Vous n’avez pas besoin de remonter à l’histoire de Hanoukka pour voir les horribles résultats des persécutions religieuses ; les catégorisations religieuses de ce genre ont souvent été essayées, toujours avec des résultats désastreux », a-t-il dit.
« Oui, ce pays fait face à une menace très réelle de terrorisme islamiste radical, a dit Isaacson. Nous ne pouvons cependant pas tomber dans le piège d’accuser et d’exclure un groupe religieux entier, qui rejette majoritairement la violence et l’extrémisme des terroristes islamistes. »
Le rabbin Jonah Dov Pesner, directeur du centre pour l’action religieuse du judaïsme réformé, a déclaré dans un communiqué que, bien que le mouvement ne se prononce pas sur la candidature de Trump à la Maison Blanche, il condamnait cette proposition.
« En tant que juifs qui trop souvent ont souffert de persécution à cause de notre foi, nous ne pouvons pas respecter le sectarisme religieux, a déclaré Pesner dans un communiqué. Notre nation, fondée par ceux qui fuyaient les persécutions religieuses, L’absence de test religieux à l’entrée ou à la prise de fonction et la liberté de chaque individu de pratiquer sa religion sont la source de la force de notre nation, pas de sa faiblesse ».
Le rabbin Jack Moline, directeur de l’alliance œcuménique, n’a pas cité Trump explicitement, mais a publié un communiqué lundi dans lequel il a averti qu’un « pays qui discrimine des individus sur la base de leur foi serait une piètre excuse pour les Etats-Unis ».
« Baser la politique d’immigration de notre nation sur le sectarisme religieux et la discrimination ne redonnerait pas sa grandeur aux Etats-Unis », a-t-il dit, faisant allusion au slogan de campagne de Trump.
Trump a occupé les observateurs de l’ADL depuis son entrée dans les primaires républicaines pour la présidence en juin.
La semaine dernière, l’ADL avait répondu aux critiques de Trump – à la fois républicaines et démocrates – qui l’accusaient d’utiliser une rhétorique antisémite pendant le forum des candidats de la coalition juive républicaine.
L’ADL a défendu Trump, l’appelant à clarifier les intentions de ses commentaires dans lesquels il semblait impliquer que les juifs sont des négociateurs innés et préoccupés par l’argent, mais affirmant qu’au vu du contexte, ses commentaires n’étaient pas antisémites.
Dans d’autres cas cependant, l’ADL a ouvertement critiqué Trump.
En juillet, l’ADL a condamné ce qu’elle a considéré comme « un discours de haine envers les immigrants », le directeur national à ce moment Abraham Foxman détruisant la rhétorique de Trump dans laquelle le promoteur immobilier décrivait les immigrants comme des « tueurs et des violeurs ».
Considérant les remarques de Trump comme « offensantes », Foxman a déclaré qu’il était « temps pour Trump d’arrêter de répandre de fausses informations et de la haine contre les immigrants, légaux et illégaux ».
Le mois dernier, après que Trump a suggéré que les Etats-Unis devraient mettre en place des bases de données recensant les musulmans aux Etats-Unis, l’ADL a décrit la proposition de Trump comme « profondément troublante et évocatrice de jours noirs de l’histoire américaine quand d’autres furent distingués et désignés comme bouc émissaire ».
« Une telle proposition n’est pas seulement à l’opposé de nos chères libertés civiles, mais manque aussi profondément l’objectif de trouver un équilibre rationnel entre les libertés civiles et les mesures de sécurité nécessaires pour protéger ces libertés », a écrit l’organisation dans un communiqué publié en novembre dernier.
L’autorité religieuse égyptienne fustige la proposition « raciste » de Trump
La proposition de Donald Trump en tête de la course des primaires républicaines d’interdire l’entrée des musulmans aux Etats-Unis est « raciste » et ne fait qu’y attiser les tensions entre les communautés américaines, a jugé mardi la plus haute autorité religieuse d’Egypte.
Le milliardaire américain, en tête des sondages dans le camp des Républicains pour la présidentielle de 2016, a appelé lundi à fermer « totalement » les frontières des Etats-Unis aux musulmans, affirmant que nombre d’entre eux soutiennent l’idée d’un jihad violent.
Dar al-Iftaa « dénonce ces remarques extrémistes et racistes appelant à interdire aux musulmans » d’entrer aux Etats-Unis, écrit dans un communiqué ce collège officiel d’oulémas dirigé par le grand mufti d’Egypte, une institution qui édicte chaque année des dizaines de milliers d’avis juridiques et consultations (des fatwas) qui influencent la vie quotidienne en Egypte sans toutefois avoir force de loi.
« Cette vision hostile à l’islam et aux musulmans va attiser les tensions au sein de la société américaine », « conduira au conflit » et « donnera des opportunités aux extrémistes de tous bords pour accomplir leurs actes criminels », avertit Dar al-Iftaa.
« Il est injuste de vouloir punir tous les musulmans juste à cause d’un groupe d’extrémistes » et « on ne peut accuser une religion ou un pays d’être la source de l’extrémisme et du terrorisme », conclut l’institution religieuse qui exhorte les Américains à rejeter les propos de Trump.