Il est « rarissime » qu’un attentat s’explique exclusivement par l’état mental de son auteur mais il y a peu de jihadistes « bien dans leur peau », estime Daniel Zagury, psychiatre expert près des tribunaux, après la tentative d’attaque à la tour Eiffel par un homme hospitalisé d’office.
Y a-t-il un lien avéré entre la commission d’attentats et les troubles psychiatriques ?
Daniel Zagury : Les malades mentaux qui commettent un acte de terrorisme exclusivement en rapport avec leurs maladies sont très, très rares – dans ce cas-là on parle d’abolition du discernement.
Il y a des situations où la psychiatrie a une certaine place, essentiellement pour décrire des sujets : des impulsifs, des délinquants… La troisième catégorie, ce sont les gens qui n’ont pas de pathologie.
Ce qu’il faut comprendre, c’est que l’on ne peut pas résumer un phénomène aussi terrible que le terrorisme à la psychiatrie, mais en même temps, on ne peut pas se passer, dans bien des cas, d’une analyse psychiatrique.
Les tours du World Trade Center, le 11 septembre 2001. (Crédit : TheMachineStops/Flickr)
Les tours du World Trade Center, le 11 septembre 2001. (Crédit : TheMachineStops/Flickr)
Les délirants s’abreuvent de l’actualité – un tremblement de terre, un attentat… On ne délire pas de la même façon en fonction des lieux, des époques. La grande erreur, c’est de vouloir fixer et réduire un phénomène terroriste variable à la fois dans le temps – le terrorisme aujourd’hui n’a rien à voir avec le 11-Septembre – et dans l’espace.
J’ai vu au moins une dizaine de configurations très différentes. C’est un phénomène mouvant et polymorphe.
Quel est le profil le plus commun ?
Il y a une grande majorité de sujets instables, déséquilibrés, impulsifs, des ‘petits toxicos’, des voyous, des délinquants. Ce qu’on a beaucoup vu ces derniers temps, ce sont des gens qui à un moment donné vont ‘racheter’, en quelque sorte, dans une deuxième vie de radicalité toutes les erreurs de la première.
Mais quelqu’un qui a des antécédents, qui est déséquilibré, n’est pas nécessairement irresponsable.
Certaines des dernières attaques ont révélé des phénomènes de radicalisation rapide, en quoi l’apparition du groupe jihadiste Etat islamique a-t-il changé la donne ?
Daech a ‘proposé’ des modèles d’inconduite qui peuvent être saisis par des personnalités extrêmement différentes. Le groupe offre la possibilité de transformer une souffrance psychologique intime en un acte de terrorisme. Ils se disent ‘je ne suis plus le type qui a tout raté, qui est malheureux, qui pense au suicide, je suis un héros de l’islam pour des siècles et des siècles’.
Un terroriste de l'État islamique brandissant le drapeau de l'organisation djihadiste. Illustration. (Crédit : Alatele fr/CC BY-SA/Flickr)
Un terroriste de l’État islamique brandissant le drapeau de l’organisation djihadiste. Illustration. (Crédit : Alatele fr/CC BY-SA/Flickr)
C’est une fuite en avant suicidaire, avec recherche de gloire. Il y a une recherche d’acte héroïque chez des personnalités qui ont un certain nombre de troubles, mais qui ne sont pas pour autant des malades mentaux.
Ce qui est certain, c’est que ceux qui vont s’en saisir ne sont pas des pères de familles heureux, qui ont des enfants, un métier, des passions dans la vie. Il y a très peu de terroristes ‘heureux’, qui sont bien dans leurs baskets, qui sont bien dans leur peau.
Il y a des personnalités très différentes, mais le processus est assez stéréotypé.